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Lettre du 9 septembre 2004

Cette lettre est dédiée à nos deux grands amis:
l'Amiral Antoine Sanguinetti et Henri Cartier-Bresson



Chers amis, anciens et nouveaux, jeunes et toujours jeunes,


C’est la rentrée, et, comme souvent, comme toujours devrions-nous dire, notre lettre est en retard. Il y a eu les vacances bien sûr, mais pas seulement. Il y a eu aussi un arrêt forcé.
Oui, la situation financière du Théâtre du Soleil passe à nouveau par une de ces crises apoplectiques qui, (ceux qui nous connaissent depuis longtemps le savent bien) jalonnent notre histoire. Nous avons dû nous arrêter plus longtemps que nous ne l'aurions souhaité. Même aujourd’hui, à l'heure où vous recevez cette lettre, ce n’est encore que le petit noyau dur de la troupe qui s’est mis au travail, pour ouvrir les volets, retirer les housses, et préparer le bateau à reprendre la mer. Envers et contre tout.
Voilà, c’était d’un coup la première mauvaise nouvelle et la première bonne.
Maintenant passons à…

Tout de suite :

1) Une bonne et très juvénile nouvelle : Enfants de Troupes – Premiers Pas , deuxième édition du festival ; dès le 15 septembre (c’est déjà aujourd’hui !) et jusqu’au 30 octobre, notre théâtre sera envahi par les huit très jeunes troupes à qui nous avons fait confiance, c’est-à-dire confié nos clés. Elles présenteront leur travail au public pour la première fois ou presque. Les représentations se dérouleront tous les jours -sauf le mardi- et deux fois par jour les vendredis, samedis et dimanches (voir les informations au dos de ce courrier). Nous voulions les aider à vous rencontrer. Soyez curieux ! Venez faire ce que les programmateurs n’ont pas fait l'année dernière. Venez les découvrir. Venez les gronder s’ils vous déçoivent, les encourager si vous voyez en eux le théâtre des jours futurs. N’hésitez pas. Ils ont besoin de votre sévérité et de votre affection. Nous, le Théâtre du Soleil, nous en avons tant reçu de votre part. Nous savons que sans cela, il n’y a ni naissance, ni progrès possibles.


Tout de suite après :

2) Une très bonne nouvelle, très imprudente, donc très juvénile aussi :
Le 11 novembre, nous reprendrons Le dernier Caravansérail ! ! ! ! ! , et puisque le 11 novembre est un jour férié, nous commencerons par une Intégrale ! MAIS nous jouerons jusqu’à fin décembre seulement et uniquement en fin de semaine : le vendredi soir, ce sera la deuxième partie Origines et destins que vous êtes nombreux à ne pas avoir vue (nous ne l'avons jouée que 30 fois à la Cartoucherie), et les samedis et dimanches ce seront des Intégrales. Pour les lycéens, nous prévoyons une ou deux représentations scolaires (celles que nous avons données la saison dernière ont été tellement émouvantes et joyeuses !), renseignez vous auprès de Sylvie aux collectivités.
Il faut que les salles soient pleines. Ou alors, inutile de vous faire un dessin de ce qui nous arrivera !
Les quatre jours restants de la semaine seront dédiés à :

3) Une bonne, épique et cinématographique nouvelle : en janvier et en février, si tout va bien, c’est-à-dire si Bel Air Media, notre producteur et ami a trouvé tous les sous, nous filmerons Le dernier Caravansérail ! La diffusion se fera sur ARTE, en trois parties les samedis après-midi. Il est aussi question d’y ajouter un documentaire sur le droit d’asile, avec beaucoup d’informations et d’interviews de spécialistes de la question, juristes, militants, politiques, économistes.

4) Une autre magnifique et cinéphilique nouvelle : Molière ! ! ! Enfin ! 25 ans plus tard !
Le film en DVD, avec suppléments inédits, sortira pour tous à Noël, et sera disponible rien que pour vous au Théâtre du Soleil dès le début du mois de décembre. Si vous voulez, vous pouvez le commander dès aujourd’hui. N’y allons pas par quatre chemins : si vous le faîtes, cela nous fait un peu d’argent d’avance.
Ce DVD qui fait suite à Tambours sur la digue sera le deuxième d’une collection éditée par le Théâtre du Soleil et Bel Air Classiques ; suivront 1789, Au Soleil même la nuit, et…
Le dernier Caravansérail.

5) Une mauvaise nouvelle, décevante, enrageante : les tournées qui tombent à l'eau, Barcelone ; parfois après des mois de négociation, Sydney ; ou même de quasi-promesses, Taiwan, Athènes.

6) Une difficultueuse et combative : pourtant nous continuons de batailler pour obtenir d’autres belles tournées qui nous font vivre et voyager, mais qui sont de plus en plus ardues à mettre sur pied, New York, Casablanca, Melbourne (nous espérons toujours), Lisbonne… À suivre.

7) Une très belle, qui devait bien arriver un jour, mais qui aurait pu ne jamais arriver : figurez vous que le 29 mai 2004, le Théâtre du Soleil a eu 40 ans ! Faute de temps et de moyens, la célébration fut très intime. Mais l'année prochaine, nous espérons bien fêter nos 41 ans, avec vous, notre public et les artistes d’Asie et du monde qui ont tant compté pour nous. Un mois de rencontres et de représentations. Nos amis et nos maîtres indiens, japonais, balinais, chinois, coréens. Et d’autres.

8) Une paradoxale : nous sommes toujours au programme du bac, et toujours fiers d’y être. Notre site lebacausoleil.com continue à aider les élèves et les professeurs d’après ce que ceux-ci et ceux-là ont la gentillesse de nous dire et de nous redire. Mais la reconduction de la subvention qui nous a permis cette année de tenir et d’enrichir ce site n’est toujours pas confirmée pour l'année prochaine ! Pourquoi ? Mystère et boule de gomme !

9) Une, qui est la conséquence de tout ce qui précède et que vous n’allez pas aimer du tout : l'augmentation du prix des places ! Uniquement pour les Intégrales sur lesquelles nous ne pouvons plus faire de ristourne ; c’est-à-dire que pour une Intégrale vous devrez payer le prix de deux représentations, ce qui, somme toute, est juste.

10) Donc, et ceci n’est pas une nouvelle, c’est une supplique : quand vous en avez les moyens, payez votre place au prix équitable ! Car les places à tarifs réduits pèsent trop, et déséquilibrent nos recettes. Quand vous n’en avez pas les moyens (étudiants, chômeurs, personnes âgées qui ont une petite retraite, intermittents - enfin, ceux qui ont un petit chômage -, …), les tarifs réduits sont pour vous, mais alors, s’il vous plaît, venez le vendredi soir ou à l'intégrale du samedi, laissez-nous faire une grosse recette au moins le dimanche ! Et comprenez-nous quand le quota des tarifs réduits (important : 50 % de la salle ! ) est atteint et qu’il n’y en a plus !
Voilà, c’est dit. Ne nous en veuillez pas.

11) Ly Nissay nous a quittés. Ceux qui ont vu L'Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge, connaissaient Nissay. Il était le seul vrai khmer de la distribution. C’est lui qui apportait si furtivement un tabouret, un éventail, un verre de thé. Il était le petit bout de Cambodge qui était resté avec nous depuis tout ce temps. Ce n’était pas un acteur, mais qu’il fût précieux aux acteurs pendant ce spectacle ! Il avait tout vécu du drame cambodgien. Ensuite, il s’occupa, toujours furtivement et délicatement de notre bar. De votre bar. Il était très aimé. C’était un homme très bon. Il est parti bouddhiquement.


Voilà. Venez vite. Nous avons besoin de vous.

À très bientôt.

Le Théâtre du Soleil


PS : Non ce n’est pas un oubli. Nous vous parlerons de notre prochain spectacle dans notre prochaine lettre. Patience.

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