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Editorial du 18 avril 2016

Ce n’est qu’à l’heure de notre crépuscule que nous découvrons, enfin, que nous avons été au paradis et que nous allons le perdre. Nous n’avons pas été surpris d’être accueillis par un soleil qui nous attendait depuis des milliards d’années, par la fraîcheur des rivières et des prés, par le doux silence des forêts ; nous n’avons même pas reconnu l’arbre de la vie planté au beau milieu de la création. Maintenant que je me tourne vers le côté sans ombre, je reconnais mieux le torrent de lumière qui inonde mon dos et nimbe le souvenir de chacun de mes pas sur la terre battue ou l’asphalte de la nuit. En ce passé évoqué comme une mort s’égouttent les sources ténues de l’enfance, plus évanouies encore par ma faute. Parce que je n’ai rencontré personne pour me dire que je vivais au milieu du paradis, entouré d’anges aussi visibles que des poteaux télégraphiques, et incapable de trouver le mot qui aurait pu nous rendre semblables à la face de Dieu qu’ils me cachaient pour m’aider à vivre. C’était donc là le misérable secret qui m’avait occupé au long de tant de nuits de veille stérile, causé tant de fatigue à la recherche de ce que je n’avais jamais perdu ? J’étais au paradis, je suis au paradis, autrefois, maintenant, mais pas pour toujours. […]

Eduardo Lourenço, Vence, septembre 1983

 

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