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L'Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge

2019

Mise en scène Georges Bigot et Delphine Cottu.

Recréation en khmer d'après la mise en scène d'Ariane Mnouchkine (1985).

Direction historique et textuelle Ashley Thompson.

Traduction Ang Choulean.

Une production Théâtre du Soleil et Bel Air Media (François Duplat et Xavier Dubois).

Un film réalisé par Julien Condemine lors des représentations du 24, 25 et 26 octobre 2013 au Théâtre du Soleil dans le cadre du 42ème Festival d'Automne à Paris.

La Pièce

Le Cambodge, pays des Khmers, antique royaume paysan, a pour fatalité sa situation géographique tout contre le Vietnam. Viennent les guerres indochinoises. Après la France, les États-Unis s’attaquent au Vietnam communiste. Le Cambodge neutre est emporté dans la tempête. Pour l’atteindre, l’Amérique n’hésite pas à lui passer sur le corps et à le piétiner. Cette tragédie engendre une tragédie plus amère encore. Fuyant l’Amérique, le peuple khmer se retrouve dans les bras meurtriers des Khmers rouges, effrayants nourrissons de l’idéologie communiste. De 1975 à 1979, le peuple khmer descend les degrés de l’enfer Pol Pot. 

 

 

La pièce s’achève le 6 janvier 1979. Ce jour-là, le Vietnam, armé par l’URSS, s’empare du Kampuchea démocratique de Pol Pot, rejette les Khmers rouges dans les maquis, sauve un reste de peuple à l’agonie. Et puis absorbe le pays. Car depuis 1979, il n’y a plus de Cambodge khmer. Le Cambodge est l’esclave du voisin vietnamien qui jadis, sous le nom d’Annam, rêvait de l’avaler. Cinq millions de Khmers contre 50 millions de Vietnamiens – tel est le chiffre du destin. En 1979, a commencé la troisième tragédie du Cambodge contemporain. Nous en ignorons la fin.                

Hélène Cixous

Retrouvez l'histoire de cette création sur notre site et sur le site dédié : www.sihanouk-archives-inachevees.org

L’histoire de Norodom Sihanouk est celle du peuple khmer pris dans les tourments du XXème siècle

Sous nos yeux, une jeune troupe d’orphelins ranime la mémoire silencieuse des années sombres, au milieu d’un décor sommaire : une chaise en bois pour trône, une pièce de tissu en guise de palais. C’est là toute la beauté d’évocation du spectacle qui, sous une forme vivante et bouleversante, montre un peuple tentant de se reconstruire. Retrouvant les traditions et arts de la scène d’avant la tragédie, il ravive des drames trop longtemps passés sous silence et nous permet d’assister à la naissance d’une troupe.

En 1984, Hélène Cixous, bouleversée par son voyage dans un Cambodge en pleine tourmente, mettait péniblement des mots sur l’horreur du génocide en écrivant sa « tragédie élisabéthaine contemporaine », pour reprendre les mots de Georges Bigot, L’Histoire Terrible mais Inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge, pièce qu’Ariane Mnouchkine portera sur scène avec les comédiens du Théâtre du Soleil l’année suivante. Dans la salle, se trouve alors Ashley Thompson, depuis devenue professeure associée à la School of Fine Art, History of Art and Cultural Studies de l’Université de Leeds, spécialiste de l’histoire culturelle khmère. Sous son impulsion, depuis 2007, le Théâtre du Soleil travaille à la recréation en khmer de cette pièce avec les apprentis comédiens du Phare Ponleu Selpak de Battambang. 

Cette fois, ce sont donc les descendants des victimes des Khmers rouges eux-mêmes qui viennent nous conter l’histoire douloureuse et chaotique du peuple cambodgien, pris dans les affres de l’histoire. A travers les indications scéniques de Georges Bigot (comédien de la pièce originale d’Ariane Mnouchkine) et Delphine Cottu, à travers aussi des jeux d’improvisation, de traduction et de réappropriation autour du texte poétique d’Hélène Cixous, dans une dynamique spéculaire du proche et du lointain, c’est la dure conquête de la mémoire et de l’identité qui se joue sous nos yeux.

 

Croquis réalisés par Marie-Ange Barbet

 

Le Théâtre du Soleil : L’invention et la copie

(.../...) Sont récemment sortis deux DVD de L’Histoire tragique mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge. Un cas particulier dans l’histoire et la ciné-bibliographie du Théâtre du Soleil, mais aussi dans l’histoire du Théâtre : il ne s’agit pas de la mise en scène originale d’Ariane Mnouchkine (1985-86) mais de la recréation au Cambodge réalisée par Georges Bigot, qui interprétait le roi Norodom Sihanouk en 1985. Il était accompagné par Delphine Cottu, une actrice d’une autre génération du Soleil. Le spectacle était joué en khmer (2007-2013) par des acteurs de ce pays et a ensuite été programmé  à la Cartoucherie dans le cadre du Festival d’automne. Le DVD édité en octobre dernier n’est pas une recréation filmique d’Ariane Mnouchkine mais une captation sur trois jours, réalisée en octobre 2013 par la maison de production Bel Air Media qui soutient les projets cinématographiques du Théâtre du Soleil (comme elle soutient la diffusion filmique des opéras montés par le Russe Dmitri Tcherniakov).  

 

 

 

La traduction en khmer du texte d’Hélène Cixous a été supervisée par l’Américaine Ashley Thompson, une de ses anciennes étudiantes, aujourd’hui grande spécialiste du Cambodge, qui avait vu le spectacle à sa création et en a avait été profondément marquée. Le spectacle khmer est le résultat d’un vrai désir, d’une longue aventure, d’un travail sur plusieurs années réalisé avec de grands risques. Il n’a pas eu l’autorisation d’être joué au Cambodge mais a été présenté chez nous en tournée : la première partie en 2011 et la seconde, deux ans plus tard).

Le texte d’Hélène Cixous mais aussi la réalisation d’Ariane Mnouchkine mis en scène par un autre professionnel: un exercice, une  recherche de l’art à travers une « copie » inventive, créatrice, sur lesquels elle réfléchit, de façon à la fois intuitive et consciente.(.../...)

Béatrice Picon-Valin | Théâtre du Blog :"Le Théâtre du Soleil : L’invention et la copie, la sortie des DVD de Sihanouk, et la suite du Kyoto Prize"  (Extrait) |15 juin 2020.

 

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