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Mythos à la Cartoucherie

Mythos, Tage Larsen, Kai Bredholt © Tony D'Urso

 

Eugenio Barba et Odin Teatret viennent rarement en France. Réputés dans le monde entier, ils défendent un art théâtral fondé sur l'exigence extrême à l'égard du langage de l'acteur, de ses ressources entiérement maîtrisées. C'est une aventure qui dure. Odin Teatret existe depuis presque quarante ans, mais ses spectacles n'ont rien perdu de leur pouvoir de jadis ni de cette radicalité qui fut, depuis les débuts, la leur. Barba érige la résistance en loi, esthétique autant qu'éthique. Telle Antigone, il n'entend pas plier. Peu importe le prix.

Dans Mythos, son dernier spectacle, Barba fait se rencontrer, dans une même errance, les figures légendaires, Oedipe, Médée, Orphée et l'étrange leader d'un mouvement armé brésilien qui, des années, mena un combat sans fin contre le pouvoir central. L'utopie et la mémoire se croisent sur le gravillon d'un jardin zen qui, par le bruit des cailloux, accompagne la polyphonie des voix et leur sert de partenaire. Pour parler du siècle, Barba cherchait une métaphore qu'il trouva un soir en écoutant Kurt Weil qui rapportait les propos de Brecht : " Le communisme est simple et complexe." Le jardin zen lui sembla répondre à pareille définition et son spectacle, lui aussi, conjugue la simplicité avec la complexité sur fond d'une Internationale dont de très nombreux jeunes ne reconnaissent plus les accords. La faire entendre c'est aussi une manière de résister. 

Barba, fidèle de Grotowski, son maître et allié, aime intervenir par l'ensemble  des moyens mis à la disposition de l'homme de théâtre. Ses livres affirment une pensée théorique et entretiennent l'espoir dans un théâtre auquel il est toujours bon de rêver.  Patrick Pezin, son éditeur, fait paraître, à cette occasion, le récit de son expérience en Pologne au Théâtre Laboratoire de même que la correspondance avec Grotowski, fragment d'histoire enfin découvert.

L'Odin est aussi un "laboratoire" et, plus que tout autre chose, il lui répugne de se réfugier dans "le secret de l'art". Bien au contraire il s'emploie à montrer, expliquer, dévoiler au nom d'une clarté du travail dont il ne s'est jamais départi. 

L'Odin Teatret est une constellation et, quelques jours, son centre se trouvera au Soleil.

     

Georges Banu, novembre 2000