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Guetteurs & tocsin

  • Guetteurs et tocsin
  • Publication du 08/03/2024

Nous, juifs de la diaspora, appelons à un cessez-le-feu immédiat à Gaza et à la libération de tous les otages

Le 06 mars 2024

 

par Collectif Tikkoun Olam

publié dans Libération le 6 mars 2024

Tout comme le « Oui, mais » après le 7 octobre nous a meurtris, rien ne justifie une tel nombre de civils morts, rien ne justifie de laisser la famine gagner la bande de Gaza, rien ne justifie ce qui ressemble de plus en plus à une punition collective intolérable, alerte le collectif Tikkoum olam (le chemin de « la réparation du monde »).

 

Nous, juifs de la diaspora, prenons la parole pour appeler à un cessez-le-feu à Gaza et à la libération immédiate et sans condition de tous les otages.

Nous, juifs de la diaspora, sommes dévastés par ce déluge de violences qui s’abat sur les civils palestiniens à Gaza. Leurs images nous hantent, notre humanité en est meurtrie.

Juifs de la diaspora n’est pas notre définition unique, ni même première, mais c’est bien en tant que tels que nous voulons parler aujourd’hui. Car ce drame nous est d’autant plus insupportable que nous sommes à la fois profondément attachés par nos histoires familiales à l’existence de l’Etat d’Israël et engagés avec constance pour l’autodétermination du peuple palestinien.

Les massacres commis par le Hamas le 7 octobre ont réveillé, chez beaucoup d’entre nous, le spectre de la destruction et de l’extermination.

Il s’agit de dire avec gravité et urgence

Nous nous sommes sentis désarmés face à la faille empathique majeure qui a empêché certains, y compris dans une partie de la gauche et y compris dans des mouvements féministes, de nommer tout simplement ces actes barbares et terroristes ; de dénoncer pour ce qu’ils étaient ces carnages équivalant pour Israël à 50 « Bataclan ». Et nous avons été tétanisés par la tentative immédiate de ceux-là de les minimiser et d’inverser la responsabilité morale par un « Oui, mais » sonnant comme une justification insidieuse, avec l’idée sous-jacente qu’une victime israélienne n’est jamais vraiment innocente.

Mais c’est justement parce que nous avons été profondément meurtris par ce « Oui, mais », qu’il n’y aura aucun « Oui, mais » dans notre dénonciation des violences aveugles infligées à la population gazaouie.

Il ne s’agit pas de mettre sur le même plan les actes de terrorisme commis par le Hamas et les violences accompagnant aujourd’hui la guerre à Gaza.

Il s’agit de dire avec gravité et urgence : non, rien ne justifie de s’en prendre ainsi à la population, rien ne justifie une telle accumulation de morts civils, rien ne justifie de laisser la famine gagner la bande de Gaza, rien ne justifie ce qui ressemble de plus en plus à une punition collective intolérable.

Les attaques terroristes massives du 7 octobre ont ravivé chez les Israéliens une peur existentielle – qui n’est pas fantasmée puisque la vraie charte du Hamas prône la destruction d’Israël –, mais le droit légitime d’Israël à se défendre ne peut pas se transformer en pulsion incontrôlée de vengeance.

Pulsion aujourd’hui instrumentalisée par un gouvernement extrémiste dont la fuite en avant militaire a pour but de masquer ses responsabilités immenses, tant dans l’impasse politique ayant jeté une partie de la population palestinienne dans les bras de groupes fanatiques que dans la faillite sécuritaire ayant conduit au 7 octobre. Un gouvernement qui enrôle dans une guerre dont on ne voit pas l’issue la jeunesse israélienne, qui sera marquée à vie par cette tragédie, par l’engrenage de la haine et de la violence.

On ne détruit pas par les armes une idéologie ; au contraire on la renforce

Nous, juifs de la diaspora, tout en comprenant le traumatisme de la société civile israélienne, mais avec la distance qui est et qui doit être la nôtre, estimons que notre responsabilité, et notre modeste utilité, est de dire à Israël qu’elle se fourvoie dans une impasse guerrière qui risque de lui faire perdre son âme.

De dire aussi, évidemment, notre empathie avec les victimes, toutes les victimes, et notre effroi face aux images d’enfants, de femmes, de personnes âgées, morts ou blessés, de destruction, de destins brisés...

Nous ne sommes pas dupes, le Hamas n’a cure du sort des populations civiles gazaouies. Pour son culte du martyre, l’escalade de la violence est un carburant. Ses longs tunnels n’ont jamais servi à protéger aucun civil ; sa stratégie a toujours été de se fondre dans la population quel qu’en soit le prix pour elle.

Mais si on peut détruire, même en grande partie, la branche militaire du Hamas, on ne détruit pas par les armes une idéologie ; au contraire on la renforce. L’accumulation des morts et des souffrances, de part et d’autre, ne sert que les plans des fauteurs de haine, pour des générations.

Si le siège de Gaza continue, cela marquera Israël d’une tache morale indélébile qui scellera, dans une partie de l’opinion publique mondiale, une victoire idéologique du Hamas et de ceux qui veulent la destruction d’Israël – l’ambigu « Free Palestine », signifiant pour certains une « libération » de toute présence juive de la mer au Jourdain.

Il existe une autre voie que celle prise par ce gouvernement israélien

C’est l’humanité qui commande aujourd’hui le cessez-le-feu à Gaza, avec la libération de tous les otages ; mais c’est, aussi, l’exigence de retrouver le sens du politique.

Quelques jours avant le 7 octobre, la rabbine Delphine Horvilleur prononçait un sermon de Kippour bouleversant de courage, de lucidité et d’intelligence dénonçant l’emprise de l’extrême droite israélienne et encourageant l’espoir levé par les immenses manifestations de la société civile (espoir brisé du jour au lendemain par les attaques du Hamas).

Aujourd’hui plus que jamais, il est urgent de reprendre le chemin du Tikkoun olam : « la réparation du monde ». La société israélienne peut trouver en elle les ressources pour surpasser le trauma du 7 octobre et dessiner l’espoir d’un cessez-le-feu, puis d’une résolution politique juste pour les deux peuples.

C’est, sans doute, très difficile à imaginer dans le chaos d’aujourd’hui, mais il existe résolument une autre voie que celle prise par ce gouvernement israélien.

Oui, il existe une autre voix dans la société civile israélienne. Elle a du mal à retrouver son souffle mais nous devons la soutenir et la porter de toutes nos forces – face au sentiment d’impuissance qui nous envahit, c’est le peu que nous puissions faire – pour qu’elle sache qu’elle n’est pas seule ni incomprise. C’est la voix de la conscience des grandes figures humanistes israéliennes, de David Grossman à Vivian Silver (assassinée par le Hamas le 7 octobre).

C’est la voix de l’humanité et de la raison, la seule qui soit juste, digne et à la hauteur du droit des deux peuples à vivre en paix.

Cédric Uzan-Sarano Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation Cécile Ostier Avocate Agnès Jaoui Réalisatrice actrice Yohanna Weizmann Avocate Nicolas Sidier Avocat Elie Azria Professeur à l’université Paris-Cité, chef de service maternité chez groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph Chantal Weizmann Psychanalyste (Saint-Girons) Stéphanie Bismuth Responsable comptable Salomé Borzakian Etudiante école de sage-femme Frédéric Benlolo Directeur financier Marc Benaïche Producteur Emmanuelle Azria Enseignante Jean-Louis Ostier Enseignant René Azria Professeur de médecine Marsha Pomerantz Poétesse Philippe Seksik Professeur des universités, chef de service gastro- entérologie Saint-Antoine David Benarous Ingénieur Evelyne Ostier Enseignante Catherine Mabille Avocate Mathieu Moundlic Avocat Pierre Salama Professeur des universités Serge Gilberg Professeur de médecine Nicolas Beniès Economiste Constance Pollard-Samamma Enseignante Juliette Ostier Enseignante et Nathalie Nisenbaum Médecin.

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