Le 02 octobre 2025
Par Philippe Cure, metteur en scène et formateur théâtre, 24 septembre 2025
Trois euros par élève: voilà la somme allouée par les crédits restants du Pass culture pour les 6 millions d’élèves jusqu’à fin décembre 2025 !!
Trois euros: voilà la somme dérisoire que la République française consacre désormais à l’éveil artistique et culturel de ses jeunes.
Trois euros : le prix d’un café, une aumône qui ne permettra ni l’achat d’un livre, ni la visite d’un musée, encore moins la rencontre avec un auteur ou la participation à un atelier artistique.
Cette misère budgétaire, officiellement présentée comme une mesure d’économie, révèle en réalité une stratégie politique d’une redoutable cohérence.
Des cerveaux en construction privés de leurs outils:
Les neurosciences sont formelles, l’exposition précoce aux arts transforme littéralement le cerveau des enfants. Apprendre un instrument développe la mémoire et les capacités d’attention. Le théâtre renforce l’empathie, la socialisation et la compréhension des émotions. Les arts plastiques stimulent la pensée spatiale et la résolution créative de problèmes.
Quand un élève participe à un atelier d’écriture, il ne fait pas que “de la culture” : il développe sa capacité d’argumentation, enrichit son vocabulaire, apprend à structurer sa pensée. Quand il monte sur scène, il travaille sa confiance en soi, sa présence, sa capacité à gérer le stress. Quand il visite un musée, il aiguise son regard critique et sa capacité d’analyse.
L’élève qui a pratiqué la musique comprend mieux les mathématiques. Celui qui a fait du théâtre excelle en expression orale. Celui qui a dessiné, peint, modelé développe sa dextérité fine.
Ces compétences irriguent ensuite l’accès aux savoirs et la vie sociale en général
UNE POLITIQUE DE L’IGNORANCE : QUAND L’ÉTAT ORGANISE LA RÉGRESSION CULTURELLE
Quand on sait qu’un élève coûte en moyenne 8 000 euros par an à la collectivité, rogner sur les quelques dizaines d’euros dédiés à son éveil artistique et culturel relève de l’idéologie.
Derrière les coupes budgétaires qui frappent l’éducation artistique et culturelle se dessine un projet politique inavoué mais cohérent : fabriquer une génération plus facile à manipuler.
Cette stratégie de l’appauvrissement culturel s’inscrit parfaitement dans une logique néolibérale : préférer les consommateurs aux citoyens.
En sacrifiant l’éducation artistique, nos dirigeants organisent de fait la régression démocratique de notre société. L’objectif n’étant plus de former des esprits libres capables de penser par eux-mêmes, mais de calibrer des individus réactifs aux sollicitations marchandes et politiciennes, soumis aux algorithmes des réseaux sociaux.
Et bien sûr, méthodes habituelles, plutôt que d’annoncer frontalement la suppression de l’éducation culturelle on procède par asphyxie budgétaire progressive. On maintient les structures en apparence tout en les vidant de leur substance.
(Rappelez vous de notre Président en 2020, manches retroussées, nous assurant qu’il fallait « révolutionner » l’éducation artistique et culturelle pour nos jeunes…)
L’histoire nous enseigne que les régimes autoritaires s’installent toujours sur les décombres de la culture et de l’éducation. Ils prospèrent dans l’ignorance, se nourrissent de la frustration des masses incultes, exploitent la crédulité de populations privées de repères intellectuels.
Il est temps de décoder cette stratégie et de la dénoncer pour ce qu’elle est : un projet politique délibéré d’affaiblissement de la démocratie. Derrière chaque coupe budgétaire dans la culture se cache ce choix assumé de fabriquer une génération diminuée.
La résistance passe aujourd’hui par la défense acharnée de l’art à l’école. Non pas comme un supplément d’âme sympathique, mais comme un outil fondamental d’émancipation intellectuelle et de formation citoyenne.
Comprendre que l’ignorance est un instrument de pouvoir, c’est déjà commencer à s’en libérer.
Refuser cette politique de l’abêtissement, c’est choisir le renforcement de la démocratie.