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Construire pour le temps d'un regard (2)

Entretien avec Ariane Mnouchkine

 

Théâtre du Soleil, mercredi 3 décembre 2008


Jean Chollet : Depuis le début du Théâtre du Soleil, il y a la préoccupation très arrêtée d'établir une relation avec l'espace de représentation, les spectateurs, les comédiens. Et pas seulement à partir de votre installation à la Cartoucherie. J'ai vu en 1967 et en 1968 La Cuisine et Le Songe d'une nuit d'été au Cirque Médrano, et déjà cette préoccupation me paraissait vraiment forte.

Ariane Mnouchkine : Les relations dont vous parlez, c'est le théâtre même. Ce sont ces relations-là que l'on cherche au théâtre, qu'il faut trouver. Ce rapport... amoureux... avec le public ; amoureux, en toute lucidité. Évidemment, le théâtre est un endroit où le public doit être dans la position la plus disponible possible avec des acteurs qui eux-mêmes ont à leur disposition l'espace le plus disponible possible pour que tout ce qui se raconte, de la part des acteurs en direction du public - et, je dirais, ce que se raconte le public à lui-même -, que tout cela puisse se dérouler avec le moins d'obstacles possibles. En cela, Guy-Claude est déjà concerné. Nous nous sommes rencontrés au moment de Capitaine Fracasse au Théâtre Récamier ; il n'avait pas fait le décor, mais on a commencé à travailler ensemble là-bas et on s'est toujours dit ça : il faut que les gens entrent et oublient tout le reste, qu'ils soient entièrement dédiés au spectacle comme nous le sommes vis-à-vis d'eux. Et ça demande certaines conditions.

JC : Vous dites : c'est le théâtre. Effectivement... Mais cette préoccupation est plus ou moins repérable dans différentes autres productions que les vôtres. Au Théâtre du Soleil, cela semble vraiment quelque chose d'important, qui soulève la question de mesurer plus précisément l'influence de l'espace, et donc du décor, sur votre travail théâtral, sur les créations, sur le travail des comédiens. Tout cela doit se relier...

AM : Nous commençons toujours sur du rien, même s'il y a des conversations enfiévrées avec Guy-Claude. Ce ne sont que des conversations. En fait, rien ne prend corps au début, parce que nous avons appris au cours des années que si cela prenait corps trop vite, c'était gaspillé et cela devenait un obstacle plutôt qu'autre chose. Au fond, je démarre toujours à partir du tapis nu de la salle de répétition, avec parfois des idées en tête, mais le moindre que je puisse dire est que je ne les livre pas tout de suite, d'ailleurs, la plupart du temps, avec raison, parce qu'elles évoluent et changent. Mais... c'est vrai que, tant qu'il n'y a pas un espace concret - un vide concret... Je souligne cette qualité parce qu'il y a souvent quelques erreurs chez certains jeunes sur la nature de ce vide, qui pensent parfois que l'espace vide, the empty space comme le nomme Brook, est un espace absolument vide ; bien sûr que non : c'est un creux, un contenant... Ce n'est pas l'argile qui fait l'assiette, dit Lao-Tseu, c'est le creux ; c'est pareil au théâtre, il faut quelque chose, comme deux mains, qui puisse soutenir tout ce qui va arriver. C'est un vide matriciel : j'emploie cette expression-là. À un moment donné, cela devient concret, cela devient vraiment un lieu : le devant d'un temple par exemple (d'ailleurs c'est toujours le devant d'un temple). Tout d'un coup, avec Les Atrides, cela devient l'enceinte d'une corrida, mais cela n'était pas là au début. Je me souviens bien que je voulais maintenir mon sol nu pendant très longtemps. Avec Guy-Claude, on se proposait des choses dans le secret de nos conversations. Je sentais que le chœur avait besoin d'une protection, je me le suis formulé. Il contemple des fauves, réellement, des protagonistes dans un antagonisme tellement violent qu'ils en deviennent des fauves. Il faut que le chœur puisse avoir des endroits où s'abriter, se cacher. Et, à ce moment-là, avec Guy-Claude, on s'est dit : que fait un matador, ou ses serviteurs, quand tout d'un coup le taureau est menaçant ? Ils s'abritent et sautent par-dessus la rambarde, ils vont derrière les palissades. On a donc amené à la salle de répétition des panneaux en bois que l'on a fait tenir avec des béquilles, et le chœur s'est immédiatement trouvé, tout de suite. Et Dieu sait si l'on a souffert avec le chœur pour Les Atrides avant de comprendre vraiment ce qu'est un chœur antique... Tout d'un coup, les membres du chœur avaient des endroits où se jucher, où disparaître, trembler, vociférer. Et en même temps, on avait gardé ce vide miraculeux où tout peut advenir ; ce n'est pas la loi du rien au sens d'une table rase, absolument pas, évidemment. Il en a toujours été ainsi pour ce qui concerne l'espace et le jeu. Guy-Claude écoute toujours tout ; en fait, il me connaît bien, il laisse aller comme ça toutes mes propositions, et puis, d'un coup, il me propose une résolution, toujours juste, beaucoup mieux que ce que j'aurais imaginé et en même temps j'ai l'impression d'être exaucée complètement.

JC : Ne peut-on pas dire qu'à la différence de bien d'autres modes de production, votre mode de fonctionnement - je n'ose pas dire particulier, ni même privilégié, surtout pas - vous permet de mener un cheminement parallèle entre la construction de l'espace et la construction du jeu ?

AM : Absolument. On n'a jamais fait autrement. Cela fait d'ailleurs que l'on est toujours un peu en retard pour la construction du décor, et qu'il se finit dans une grande charrette. Cela amène aussi, dans des spectacles où l'on était plus prolixe, où l'on avait des idées..., à supprimer des éléments. Avec beaucoup de sagesse, Guy-Claude fait des dessins, des propositions, toutes plus belles les unes que les autres ; il s'est souvent trouvé que je lui téléphone au soir d'une répétition pour lui dire ; « tu sais, cette chose, je n'en ai pas plus besoin, on l'a trouvée sans ça ». Ce qui fait qu'au bout d'un moment, il propose une esquisse en me disant : « Est-ce que tu es d'accord qu'au fond l'essentiel est simplement cela ? » Et évidemment j'approuve.

JC : Si l'espace influe sur le jeu, à l'inverse est-il aussi arrivé que le jeu, le travail, les comédiens influent sur la conception de l'espace ou modifient l'espace ?

AM : Bien sûr. Au fond, la conception de l'espace se passe toujours ainsi ; les répétitions avancent, l'espace avance en même temps que le jeu. Les costumes suivent encore de plus près le travail des comédiens. Car les comédiens élaborent eux-mêmes et trouvent leur costume, détournant d'anciens costumes. C'est leur deuxième peau. Ils en ont besoin. D'ailleurs, je trouve que les comédiens sont bien plus doués pour trouver leur costume que pour trouver l'espace. Le costume fait partie du personnage, il est très proche d'eux. En général, quand un comédien commence à savoir travailler son costume, ses propositions de jeu sont toujours justes. Ce n'est pas du tout la même chose avec l'espace : en fait, les comédiens sont toujours surpris par l'espace. D'une certaine façon, moins ils ont... comment dire... de surprise traumatisante, mieux c'est. Et il est bien qu'ils puissent avoir petit à petit une sorte de maquette grandeur nature, construite avec des planches, qui change tout le temps en fonction des entrées, des déplacements, des suppressions d'éléments selon ce dont on a vraiment besoin. À un moment donné, ils connaissent vraiment bien l'espace, et alors l'espace définitif, harmonisé, avec les matières cohérentes, peut arriver sans problème.

JC : Vous avez commencé à parler de votre méthode de travail. Pouvez-vous revenir plus précisément sur votre relation de travail avec Guy-Claude François sur un projet de création ?

AM : La situation a un tout petit peu changé pour les deux derniers spectacles. En général, il est toujours la première personne à qui je parle. Il a entendu beaucoup de propositions, qui n'ont même pas été travaillées ensuite par la troupe. Bien sûr, s'il s'agit d'un Shakespeare ou d'une création collective, c'est évidemment différent... En même temps, on se connaît tellement bien, avec Guy-Claude, que je n'ai pas besoin de terminer ma phrase, il comprend tout de suite. Même pour les deux derniers spectacles, où il a été un peu plus loin du décor, je lui ai toujours demandé son avis au début et au cours des répétitions, et de venir voir où l'on en était, pour savoir ce qu'il sentait. On se parle beaucoup, et en plus on ne se parle pas que du décor, on parle d'abord du thème. Je veux savoir comment il ressent le thème, l'aventure qui va nous prendre plusieurs mois ; est-ce que cela le concerne, est-ce que c'est le spectacle qu'il veut voir, est-ce que c'est juste, est-ce que ce spectacle est indispensable, en tout cas pour nous ? C'est cela le critère. Ce que je veux dire par indispensable, ce n'est pas qu'il nous fera gagner notre pain et notre sel, mais que nous en sortirons un peu plus savants, mûrs, engagés. On aura compris un phénomène.

JC : Le premier spectacle dont Guy-Claude François a signé la scénographie est L'Age d'Or. C'est un espace très structuré, très spectaculaire, avec quatre cratères modelés à partir de tonnes de terre, recouverts d'une chape de béton et de tapis brosse... où se mêlaient acteurs et spectateurs. Comment cette idée est-elle venue? Elle engage bien sûr un travail des comédiens. J'y ai vu aussi - et surtout ? - une remise en question de la position du spectateur. Il me semble qu'il était volontairement déstabilisé, au propre - l'assise était glissante - et au figuré.

AM : Il y avait peut-être la volonté de surprendre, effectivement, avec quelque chose de nouveau dans cet environnement, mais il n'y avait nullement la volonté de gêner le spectateur. Il y a eu plusieurs choses. D'abord c'est un décor qui a mis vraiment longtemps à venir - il y a eu plusieurs problèmes que je ne vais pas raconter ici - et puis Guy-Claude a pris les choses en main. L’espace est splendide, mais il y a quand même une erreur que nous avons faites lui et moi. On pensait profondément qu'il y aurait des actions simultanées. Évidemment, nous nous sommes interrogés sur le plan acoustique, n'allait-on pas entendre quelque chose... mais nous nous sommes bourrés le mou lui et moi en nous persuadant qu'il n'y aurait pas d'interférence sonore entre les quatre cratères. Nous avions tellement envie de cette idée que nous nous répondions l'un l'autre que les sons seraient étouffées par la masse de terre, et que l'on n'entendrait rien d'un cratère à l'autre. Évidemment, il n'en a pas du tout été ainsi, pas du tout. Nous nous sommes rapidement rendus à l'évidence, dès les premières répétitions, et nous avons donc joué de façon successive d'un cratère à l'autre, ce qui n'était pas le projet initial. Si l'on avait su que le jeu ne serait pas simultané, les cratères auraient été nettement plus différenciés. Parce qu'ils ne l'étaient pas assez et l'environnement ne changeait pas tandis que l'on changeait de cratère. Il y avait certes quelque chose d'absolument magique, de merveilleux dans cette espèce de vallonnement que j'adorais, mais nous savions Guy-Claude et moi que nous n'étions pas arrivés au bout. C'est aussi le cas du spectacle lui-même, qui constitue une démarche que je continue à trouver très aventureuse où j'ai le plus appris, presque plus que dans tous les autres spectacles. C'était une première ébauche, nous l'avions d'ailleurs dénommé L'Age d'Or, première ébauche. Je considère aujourd'hui que c'était la première ébauche de spectacles comme Le Dernier Caravansérail ou Les Éphémères. Il s'est passé entre-temps beaucoup d'années.

JC : On retrouve, sous une autre forme, cet entremêlement de l'espace scénique avec celui du spectateur dans Méphisto, avec ces deux scènes qui se font face, et les spectateurs placés au milieu, assis sur des bancs dont les dossiers étaient réversibles, pour orienter le siège face à la scène en jeu. Là aussi, il y a une prise en compte forte dans l'espace de la relation au spectateur.

AM : Il y a toujours cette envie que le spectateur... Je reviens à L'Age d'Or : il y avait quelque chose de jubilatoire dans cet espace ; je sentais que les gens - quand ils montaient, descendaient, glissaient, couraient - étaient comme dans une sorte de terrain de jeu. Il y avait pour nous quelque chose d'insatisfaisant, la non différenciation des cratères, mais le plaisir du public dans ce lieu était indéniable. Pour Méphisto, nous avions besoin de ces deux lieux, un théâtre officiel et un théâtre révolutionnaire et militant. Guy-Claude avait trouvé ce système de bancs aux dossiers à bascule ; le public mettait un moment pour en trouver le fonctionnement, escaladant les bancs avant de comprendre qu'il fallait seulement basculer le dossier. C'était aussi leur dire: « c'est votre instrument, cette salle est à vous. C'est à vous d'agir. Vous n'êtes pas, là, coincés... » Il y avait la volonté, non pas de faire éclater l'espace, ce n'était pas ça, mais de se donner toutes les richesses que nous donne la Cartoucherie. C'est un lieu absolument splendide qui en même temps reste modeste. Il a un ou deux défauts (il manque de hauteur), mais permet avec ses deux nefs de faire tout ce que l'on veut.

JC : Justement, après Méphisto, il y a eu un changement important dans cette utilisation de la Cartoucherie pour les Shakespeare, un retour au rapport frontal, pour Richard II, puis La Nuit des Rois et Henry IV. Ces spectacles ont été créés à la Cartoucherie et ont été donnés en Avignon. On retrouve en eux cette chose très sensible, pas toujours très bien perçue, ce sens du vide que vous venez d'évoquer. C'était simple : un sol recouvert de tapis de coco, avec des bandes noires, et de très belles soies peintes en fond de scène, qui tombaient l'une après l'autre au fil du spectacle. Qu'est-ce qui, pour ce cycle, vous a fait retourner à ce rapport spatial traditionnel ?

AM : Le texte tout simplement. Justement, les mouvements que je tentais d'avoir avec Guy-Claude dans les spectacles précédents - création collective ou adaptation - tenaient au fait que ce n'étaient pas de grands textes et que les forces du théâtre devaient aussi venir d'ailleurs, de la gestuelle, de l'espace, de ce qu'on donnait comme outil au public, etc. Avec Shakespeare, la tempête est tellement dans le texte - et les spectacles sont quand même assez spectaculaires (ce n'est pas un mot péjoratif) - que le public pouvait rester tranquille : il allait être mû par tant de passions et tant de guerres et de tempêtes contenues dans le texte lui-même que je n'avais pas besoin de le faire aller de droite à gauche. Je pouvais alors, à ce moment-là, me recentrer. Et on est resté recentré pendant longtemps. J'ai eu besoin de changer d'espace radicalement pour Les Éphémères, mais pas tant parce que ce n'était pas un texte préexistant - on est alors revenu à une création collective, et nous avions fait des créations collectives comme Le Dernier Caravansérail aussi dans un rapport frontal - que parce que l'on s'était enhardi...

JC : Sihanouk, L'lndiade, Les Atrides et bien d'autres spectacles, La Ville parjure, Tartuffe, ont été donnés effectivement dans le même rapport frontal scène-salle, le public étant assis sur le même gradin. Cependant, contrairement à l'idée sommaire qu'il y aurait eu un seul et même espace sans changements, il s'y produisait des transformations continuelles, les fosses des Atrides, par exemple.

AM : Ah oui, absolument. Le plateau a tout le temps été modifié. Même si le rapport restait frontal, le plateau changeait énormément : l'arène et les fosses des Atrides, le cimetière de La Ville parjure, etc.

JC : N'y a-t-il pas à travers cela la recherche d'une sorte d'universalité de lieu, comme ce qu'a voulu Copeau au Vieux-Colombier ?

AM : Bien sûr. On se l'est même formulé en ces termes, vous avez tout à fait raison. Au bout d'un moment, je me disais que c'était cela la vraie recherche de Copeau et Jouvet, trouver le lieu unique qui soit, entre guillemets, « bon pour tout ». Je me suis astreinte à cela sans m'y contraindre, et d'une certaine façon, avec des modifications périphériques du plateau, c'est bien cela l'objectif. Après, pour Les Éphémères, j'ai eu besoin d'une plus grande proximité, comme celle d'un théâtre anatomique.

JC : Votre prochain spectacle va donc nous surprendre...

AM : Peut-être qu'il vous surprendra parce qu'il sera dans le même espace...

JC : À partir des Shakespeare, les loges des acteurs à vue sont installées sous le gradin, de façon plus prégnante que précédemment. J'y vois comme un parcours proposé au public...

AM : Les loges ont toujours été visibles depuis que nous sommes à la Cartoucherie. Pour 1789, tout simplement on campait, il y avait de grandes tables autour desquelles les acteurs se préparaient. Après, je n'ai plus jamais voulu cacher les acteurs. Leur position a été différente, et depuis quelques temps, ils sont sous les gradins. Ils ont toujours été visibles. J'y tiens beaucoup. On nous demande souvent si cela ne gêne pas les acteurs, je ne le crois pas, cela leur donne une responsabilité supplémentaire.

JC : Dans vos programmes, vous n'employez jamais le mot « scénographie », mais le terme « décor ». Est-ce une volonté ? Guy-Claude François se référencie comme un « scénographe ».

AM : Parce que le mot « décor » parle plus aux gens. Ils se demandent ce que c'est que la scénographie. Moi-même, je me le demande parfois. On a employé, pour Le Dernier Caravansérail, les mots « espace » et « décors » pour désigner deux choses différentes. Guy-Claude a conçu l'espace, et les comédiens ont conçu et réalisé les décors qui apparaissaient sur scène. Pour Les Ephémères, on a appelé cela « l'espace ». Scénographie... je ne sais pas pourquoi... peut-être parce cela me paraissait technico-prétentieux...

JC : Une dernière question. Dans les décors successifs, il y a toujours des vestiges des décors précédents. Pourquoi ?

AM: Parce que nous avons une histoire, à laquelle Guy-Claude et moi-même tenons beaucoup. On transforme le lieu à chaque fois, mais on ne démarre jamais de zéro. On ne détruit pas tout pour recommencer. On laissait chaque fois une petite trace de ce qu'il y avait eu auparavant, comme dans une maison, une ville, une citadelle. Un jour, pour Le Caravansérail, on a coupé le plateau au bulldozer, et on s'est rendu qu'il y avait la strate des Atrides, dessous L'Indiade, dessous Sihanouk, etc. Et ça faisait vraiment des strates. C'était très émouvant : toute notre histoire était inscrite là. Une troupe, toute troupe qui a la chance de perdurer un peu, a un itinéraire ; on est sur une route, on ne fait pas juste un spectacle. On n'est pas dans l'évènementiel quand on est au Théâtre du Soleil, on est dans une recherche, une histoire avec ses erreurs, ses impasses et ses gloires. En plus, nos spectateurs ont amené leurs enfants qui sont devenus nos spectateurs et qui amènent à leur tour leurs enfants, et c'est un plaisir pour eux de retrouver des traces de ce qu'ils ont vu auparavant et de voir en même temps ce qui a changé. On ne stérilise pas le lieu, on ne fait pas table rase. Même si on tente à chaque fois de partir d'une feuille vierge, cette feuille vierge est toute vibrante de tout ce qui s'est passé avant.

" Construire pour le temps d’un regard " Guy-Claude François, scénographe, éditions Fage, musée des beaux-arts de Nantes, 2009, pp. 83-92